BETWEEN par La Chambre aux échos

par Laurent Prost-Deschryver

BETWEEN
An evening of music theatre

Avec les œuvres :

  • Study for Life (1989, nouvelle version 2019), musique de Kaija Saariaho, texte de Thomas Sterns Eliot (The Hollow Men)
  • …through its darkness (2019, nouvelle version 2021), musique de Matias Vestergård, texte de Rainer Maria Rilke (Orpheus. Eurydike. Hermes)
  • Peach (2019, nouvelle version 2021), musique de Sebastian Hilli
  • Graal Théâtre (1994, nouvelle version avec comédien 2018), musique de Kaija Saariaho, texte d’Aleksi Barrière (Not A Knight)

Une proposition de la compagnie La Chambre aux échos
Mise en scène et vidéo : Aleksi Barrière
Direction musicale : Clément Mao-Takacs
Création lumière : Étienne Exbrayat
Scénographie : Aleksi Barrière & Étienne Exbrayat
Régie vidéo : Jean-Baptiste Barrière / Thomas Goepfer
Régie son : Timo Kurkikangas
Photographies (
Study for Life) : Martin Atanasov

Acteur : Thomas Kellner
Soprano : Tuuli Lindeberg
Violon solo : Peter Herresthal
Orchestre : Secession Orchestra

Présenté au public le 31 août 2022, Between a ouvert la série d’événements culturels “Kaija Saariaho 70” célébrant les 70 ans de la compositrice, décédée le 2 juin 2023. Que ce texte lui soit dédié, humble hommage à une œuvre considérable.

[ Biais : Aleksi Barrière est un ami de longue date. Ensemble nous avons conçu theorema. Le présent état du texte a fait l’objet d’une relecture critique de sa part : ses remarques et commentaires les plus saillants sont reproduits en note. ]

…la tâche d’entre…

1.
Between est une œuvre scénique que l’on serait tenté de qualifier de manifeste, si tant est qu’il soit encore possible de dépouiller ce terme de ses connotations revendicatives et paranoïdes — si tant est que l’on puisse encore y entendre sa signification originaire, qui est ontologique : à savoir la manifestation, le devenir-manifeste dans l’espace public et social de l’art, l’apparition phénoménale de quelque chose que, selon les présupposés théoriques idéalistes qui sont les miens, je n’ai aucune hésitation à appeler une Forme ou une Idée.

2.
La tâche (die Aufgabe selon l’expression qu’affectionnait Walter Benjamin) de la critique n’est pas de porter un jugement extérieur sur un “objet” esthétique, fondé sur des critères établis de beauté, de réussite ou d’efficacité (“cela marche”, “cela fonctionne”, comme les gens de théâtre aiment à dire). L’acte même de la critique esthétique doit surmonter la division entre sujet et objet : dans la critique, c’est l’œuvre elle-même qui devient œuvre, c’est le regardeur (selon la formule de Marcel Duchamp) qui accomplit la destinée de l’œuvre, qui en parachève le mouvement par définition inachevable, puisqu’il se poursuit à chaque nouveau regard qui se pose sur l’œuvre — ou, mieux, qui l’épouse. Et ce qui s’accomplit dans l’acte de la critique, c’est ce que l’œuvre porte en elle-même de potentialité critique, de mise en crise, de problématisation. Il est absurde d’opposer un objet esthétique qui serait sensoriel et un regard critique qui serait intellectuel : dans chaque œuvre digne de ce nom, une Idée est au travail, mise en forme et mise en crise, et c’est là la tâche de la critique que de collaborer avec l’artiste, ou les artistes, afin de faire naître cette Idée et de contribuer à son advenue dans le monde. Il s’agit de passer d’une esthétique des œuvres à une critique des processus. C’est tout le sens de theorema que de mettre en pratique une telle critique, et d’en interroger le sens et les modalités.

3.
Between porte dans son titre même le principe de cette Forme mise-en-œuvre : l’entre-deux, l’espace liminal qui n’est ni tout à fait ceci, ni tout à fait cela, ni même quelque chose. Non pas une essence donc, que l’on pourrait circonscrire par une définition objective décrivant les propriétés constitutives d’une chose, mais le vide, le blanc ou le silence constitué phénoménalement par le choc ou la friction entre deux ou plusieurs choses de nature hétérogènes. En ce sens, Between explore les potentialités critiques et esthétiques du montage ou du collage, selon que l’on pense en termes davantage temporels (cinéma, musique) ou davantage spatiaux (arts visuels).

4.
Between est ainsi le nom d’une ontologie qui n’est plus celle des choses, mais des relations et des processus entre les choses. Cette ontologie est celle-là même qui convient au courant furieux de la modernité, à ce mouvement qui, pierre à pierre et pas à pas, sape tous les fondements (religieux, scientifiques, politiques, esthétiques, etc.) sur lesquels l’humanité pensait pouvoir encore asseoir sa maîtrise et sa domination sur les choses. Nous sommes, comme l’énonce T.S. Eliot dans le poème The Holllow Men sur lequel s’ouvre Between, les « hommes creux » — les hommes du vide et de l’entre, les songe-creux dont toutes les croyances ont été balayées aussi bien par la découverte de l’atome et la révolution copernicienne que par le dé-chaînement, la dé-liaison des pulsions destructrices qui caractérise les guerres du XXe siècle,  qui trouve sa métaphore apocalyptique dans le risque, proche de zéro mais néanmoins existant, d’un embrasement de l’atmosphère terrestre par une réaction en chaîne infinie qui aurait pu suivre l’explosion d’une bombe atomique. Comme le rappelle Christopher Nolan dans son dernier film, ce scénario se réalise au moins métaphoriquement.

5.
L’ontologie de l’entre est, littéralement, vertigineuse. L’absence de fondement ultime qui pourrait garantir l’existence des choses individuelles, et en particulier celle de l’ego cogitans, a pour conséquence une ouverture infinie des relations entre les choses. Ce qui « fonde » désormais l’ordre du cosmos n’est plus un point unique, ferme et stable, tel qu’Archimède, et Descartes à sa suite, en rêvaient : c’est la multiplicité elle-même des êtres qui s’auto-fonde par la prolifération ad libitum des relations, comme dans une chambre aux échos où chaque élément se réverbère en tous les autres — ce n’est pas un hasard si la compagnie qui propose le spectacle discuté ici a pour nom La Chambre aux Échos. Il y a quelque chose de la monade leibnizienne dans cette ontologie où chaque partie, aussi infime soit-elle, est un miroir et un écho de la totalité infinie de la Nature — sans qu’aucune de ces parties ne puisse prétendre à une place privilégiée.

6.
À cette ontologie doit correspondre, de jure, une esthétique. L’œuvre de l’artiste en creux ne peut plus désormais être fondée sur une tradition définie, chapeautée par des grands maîtres qui sont autant de noms du Père. L’œuvre doit en un certain sens être close sur elle-même, constituer par les éléments qu’elle rassemble des jeux de miroir et de réverbération tels que, notamment, le principe formel de construction des éléments soit l’écho exact, si l’on ose cet oxymore, des contenus intentionnels (au sens de l’intentio phénoménologique : visée objectale). Navigation sur un ruban de Möbius où l’envers et l’endroit, la forme et le contenu, tout en étant rigoureusement distincts en chaque point, deviennent indiscernables :  coincidentia oppositorum.

7.
Dès le programme de salle, le spectateur entrevoit la complexité des renvois qui constituent Between en un labyrinthe vertigineux.Between, c’est d’abord le mot qui revient anaphoriquement, obsessionnellement, dans la partie finale du poème de T.S. Eliot The Hollow Men, cette partie même que Kajia Saariaho décida de mettre en musique en 1980-1981 :

Between the idea
And the reality
Between the motion
And the act
Falls the Shadow
For Thine is the Kingdom

Between the conception
And the creation
Between the emotion
And the response
Falls the Shadow
Life is very long

Between the desire
And the spasm
Between the potency
And the existence
Between the essence
And the descent
Falls the Shadow
For Thine is the Kingdom

Cette mise-en-musique fut, dès l’origine, une mise-en-scène : car le projet de Kajia Saariaho, son rêve, à ce moment-là, était de créer une œuvre scénique, une œuvre entre musique et théâtre, comme en témoigne le fait que la partition de cette pièce intitulée Study for Life comporte la notation non seulement de la musique, mais aussi des lumières scéniques. Premier écart, premier entre : Study for Life n’est ni tout à fait une composition musicale, ni tout à fait une œuvre scénique, mais s’institue dans l’espace vide formé par la rencontre entre théâtre et musique.

Cet espace entre musique et théâtre est celui-là même qu’a choisi d’explorer, depuis sa création en 2012, la Chambre aux échos, compagnie bicéphale (A. Barrière pour le théâtre, C. Mao-Takacs pour la musique), — un espace qui n’a pas vraiment de nom : s’agit-il de « théâtre  musical » ? De « music  theatre » ? De « théâtre & musique » ? De « théâtreetmusique » ? De « théâtre-musique » ? Comment nommer, comment même écrire ce qui n’est pas quelque chose, mais le vide constitué par la rencontre entre deux choses hétérogènes ? Notre langage et, par conséquent, notre métaphysique et notre ontologie, n’ont pas été construits pour penser l’être de l’entre, l’être de l’écho : en témoignent les vertiges angoissés de Platon dans le Sophiste pour partir à la chasse de ce phénomène qui se dérobe à toute saisie rationnelle et conceptuelle. L’écho, le double, la copie, l’ombre, le reflet : autant de phénomènes inquiétants qui menacent de faire s’effondrer de l’intérieur les catégories sur lesquels l’humanité a construit son appréhension, et son imaginaire domination, du cosmos.

8.
Cet entre est au principe formel de construction (et l’on serait tenté ici de parler de constructivisme) de l’ensemble du spectacle, à commencer par sa scénographie à laquelle est confronté le public dès son entrée dans la salle : trois tulles blancs et semi-transparents, de forme carré. Ces tulles matérialisent le vide, le silence et le blanc qui séparent, tout en les reliant, théâtre et musique : derrière eux, en fond de scène, l’orchestre dirigé par Clément Mao-Tackacs ; devant eux l’espace scénique du théâtre, sorte de proscenium où évoluera l’acteur Thomas Kellner. Cette dichotomie scénographique, fidèle en cela à l’hantologie du between, sera constamment mise en crise pendant le spectacle, que ce soit par l’arrivée sur le proscenium des solistes (la soprano Tuuli Lindeberg dans Study for Life, le violoniste Peter Herresthal dans Graal Théâtre), ou par les quelques furtives intrusions ou les regards jetés par l’acteur Thomas Kellner dans l’arrière-scène.

La structure même de ces carrés et de leurs relations manifeste le principe de l’entre. Ils sont au nombre de trois : à cour, deux carrés strictement égaux en dimensions, verticalement alignés, et séparés par un espace vide ; à jardin, un carré de taille supérieure, séparé horizontalement des deux premiers par un espace vide lui aussi de dimension supérieure à celui qui sépare les deux autres. Il n’est pas possible, à l’œil nu, de savoir si un principe mathématique organise l’ensemble de ces dimensions, mais l’impression première du spectateur est celui d’une construction rigoureuse qui pourrait encore se prolonger, comme si les dimensions de l’espace vide qui sépare les carrés étaient une matrice formelle susceptible d’engendrer une série infinie de carrés dont les proportions seraient toutes dans un rapport rigoureusement analogique et mathématique — et l’on pense ici aux proportions de ces rectangles coupés en carrés qui permettent de représenter géométriquement le nombre d’or comme un principe d’engendrement fractal.

9.
Du point de vue du contenu, quatre œuvres musicales sont présentées, chacune composée à un âge de passage et de transition, comme l’explique le metteur en scène et dramaturge Aleksi Barrière dans la notice du spectacle : un âge qui se situe entre les années de formation et les années de la maturité, des œuvres qui ont dépassé le stade de l’imitation des maîtres, mais peut-être pas encore acquis toute la puissance d’un langage personnel et inouï. Deux œuvres de Kajia Saariaho, Study for Life et Graal Théâtre, encadrent celles de deux jeunes compositeurs, Matias Verstegård (*1989) et Sebastian Hilli (*1990). 
Le Between ici aussi se reflète et se mire partout, tout devient entre, tout devient prétexte à un collage qui laisse émerger un vide. Ainsi, le poëme d’Eliot expose les déchirements de la génération d’après-guerre ; la pièce …though its darkness décrit la traversée par Orphée du royaume des ombres en compagnie d’Hermès psychopompe, et le choix d’Eurydice de se libérer et dissoudre dans la mort ; et Graal Théâtre, originairement un concerto pour violon et orchestre, se voit affublé d’un texte espiègle, où l’acteur bouffonne comme dans les marginalia qui illuminent les codex du Moyen-Âge.
Mais c’est aussi, et peut-être surtout, d’une crise civilisationnelle dont il est question ici, celle d’une époque, la nôtre, trouble et troublée, faite de crises et de désastres incessants par rapport auxquels aucune réponse collective raisonnable et/ou rationnelle ne semble pouvoir émerger, nous laissant dans une profonde anxiété quant au futur. Le livret du spectacle cite ainsi la formule d’Antonio Gramsci : “Le vieux meurt et le neuf ne peut pas naître : dans cet interregnum [règne de l’entre] une grande variété de symptômes morbides apparaissent.”

10.
C’est en 1965 que Dick Higgins propose le terme Intermedia pour désigner les œuvres qui fleurissent alors dans les avant-gardes américaines et qui transgressent les barrières disciplinaires traditionnelles. Ce terme s’oppose aussi bien au modernisme tel que défini par Clement Greenberg (le mouvement de la modernité comme approfondissement des propriétés essentielle de chacun des médiums traditionnels) qu’au terme de Gesamtkunstwerk forgé par Richard Wagner pour désigner l’œuvre d’art du futur, œuvre monumentale rassemblant tous les arts, et convoquant le Peuple autour du récit de ses mythes fondateurs. L’œuvre intermedia refuse les frontières entre les arts : elle peut être musique aussi bien que poésie, peinture aussi bien que performance, etc. Mais elle ne vise pas à totaliser ces différents médiums dans une unité plus large qui serait celle du mythe : il s’agit bien plutôt d’ouvrir un dialogue critique et dialectique dans l’espace entre les différents arts. Ainsi, dans son Statement on Intermedia de 1966, Higgins déclare-t-il : 

“For the last ten years or so, artists have changed their media to suit this situation, to the point where the media have broken down in their traditional forms, and have become merely puristic points of reference. The idea has arisen, as if by spontaneous combustion throughout the entire world, that these points are arbitrary and only useful as critical tools, in saying that such-and-such a work is basically musical, but also poetry. This is the intermedial approach, to emphasize the dialectic between the media.”
[texte en ligne : https://www.artpool.hu/Fluxus/Higgins/intermedia2.html ]

12.
Between appartient de plein droit à cette tradition intermédiale, bien que ce terme ait subi, depuis son utilisation par Higgins et le mouvement Fluxus, de considérables et multiples infléchissements de sens qui en rendent l’usage délicat. Pour notre propos néanmoins, il serait difficile de s’en passer, tant Between fait de l’écart entre les arts une méthode et une hypothèse de travail. Les lumières d’Étienne Exbrayat dialoguent avec les créations vidéos d’Aleksi Barrière autant qu’avec les photographies de Martin Atanasov et les facéties de Thomas Kellner, ou encore la conduite magistrale de Clément Mao-Takacs. Ce dialogue est rigoureusement construit sur des systèmes d’échos, de rappels, de contrepoints qu’il est impossible de décrire ici tant ils sont nombreux et subtils. Prenons néanmoins un exemple pour donner une idée au lecteur du type d’inter-action dont il s’agit ici.

La dernière pièce, nous l’avons dit, Graal Théâtre, fut d’abord écrite comme un concerto pour violon, le premier concerto dans l’œuvre de Kaija Saariaho. A cette pièce purement musicale, mais inspirée par le travail poétique de Jacques Roubaud et Florence Delay sur la légende du Graal (Graal théâtre), un texte d’Aleksi Barrière, intitulé Not A Knight, est ajouté comme un commentaire critique voire ironique sur le principe même de la quête, ici métaphorisée par et réalisée dans la relation entre le violon-chevalier et l’orchestre. La photographie ci-dessous montre le travail lumière et vidéo à un moment où le texte évoque une “scène d’amour interrompue par les clameurs d’une bataille”. L’acteur Thomas Kellner se fait le miroir bouffon des gestes du violoniste emporté dans une musique d’une folle intensité, aux bords du supportable tant elle ne connaît pas de répit, tandis que la vidéo emmène l’imagination dans ce qui ressemble à un champ sur lequel se déploie une tache rouge mouvante, coquelicot évoquant aussi bien le sang de la guerre que la passion amoureuse. Le texte lui-même a été écrit dans un dialogue serré avec la partition : il s’insère comme les marginalia dans les bords et les marges du discours musical.

13.
Il est à noter que la création vidéo, dans ce spectacle, diffère de l’usage plus courant de l’image en mouvement sur les scènes de théâtre. Le plus souvent en effet, le film ou la vidéo ont pour fonction d’ouvrir une fenêtre sur d’autres espaces-temps qui viennent ajouter une dimension et une profondeur à ce qui se passe sur la scène. Ici, dans le travail remarquable d’Aleksi Barrière, il s’agit davantage de textures et de matières, de couleurs et de formes, comme si la vidéo assumait pleinement sa bi-dimensionnalité pour se faire peinture en mouvement et laisser apparaître sa “matérialité”. A cet égard la vidéo qui accompagne la troisième pièce, Peach, est exemplaire : sans que l’on puisse distinguer aucun objet ou référent, des mouvements à peine perceptibles apparaissent, comme dans un brouillard ou une fumée, avec des couleurs qui changent tout au long de la pièce d’une manière qui semble non pas aléatoire, mais structurée selon les lois d’un espace de couleurs. Ces formes laissent parfois place à des géométries plus angulaires, comme dans cette photographie où apparaissent des lignes pures, et néanmoins mouvantes, comme si elles respiraient.

14.
Between est donc bien une œuvre manifeste. Elle constitue le manifeste d’une compagnie, La Chambre aux échos, qui construit ses propositions dans l’écart entre les arts. Elle est le manifeste d’une génération d’artistes qui doit arracher de haute lutte la reconnaissance qui lui permettra de continuer son travail d’art et de pensée. Elle est le manifeste d’une époque historique de transition, oscillant entre la fin du mode de production capitaliste et la fin apocalyptique du monde de la vie sur Terre. Mais elle est, surtout, le manifeste de la manifestation elle-même : c’est ici une ontologie constructiviste qui est à l’œuvre, et qui nous apprend que ce n’est jamais des choses elles-mêmes, mais de leur friction et de leur rencontre, que naissent les mondes — vieille leçon de l’atomisme antique, de Démocrite à Lucrèce.
Telle est ce que nous pourrions appeler la tâche d’entre : un manifeste qui soit dépouillé de toute intention revendicative, qui soit une pure affirmation d’existence, une manière de se tenir à la hauteur, en toute humilité et en toute rigueur, des exigences du présent — de la souffrance et de la joie qui s’y déploient. Il ne s’agit pas de juger ni de décider du bien et du mal : mais d’accueillir ce qui arrive, de formuler un langage et des affects pour traverser ensemble, comme sur un radeau qui est ici théâtre, les impasses du présent.

Laurent Prost-Deschryver (FR) est philosophe et metteur en scène. Il co-dirige, avec Alika Stenka, la compagnie attanour. Vit et travaille dans les Ardennes françaises.

Leave a comment